Que faire quand des squatteurs occupent un logement : les différentes procédures possibles
L’été a été marqué par un fait divers qui a mis en lumière le problème que représentent les squatteurs pour beaucoup de propriétaires : l’affaire Maryvonne. Si l’actualité s’est penchée sur le cas particulier d’un couple de retraités ne pouvant plus accéder à sa résidence secondaire, les cas de squatteurs envahissants se comptent en milliers chaque année. Le gouvernement a réagi en proposant une nouvelle loi qui devrait faciliter les expulsions. Alors que faire quand des squatteurs occupent un logement ?
Les différents cas de figure existants
Si les personnes qui découvrent que leur logement est squatté ont tant de mal à se débarrasser des occupants, c’est parce que le fait de squatter est mal défini par la loi française. En fait, pour savoir comment réagir, il faut toujours s’intéresser aux détails de chaque cas particulier. La manière dont se déroule l’entrée sur les lieux et leur occupation est absolument essentielle.
Par exemple, si les squatteurs sont entrés dans le logement par effraction, en brisant une fenêtre ou une porte, ce n’est pas du tout la même chose que si la maison était totalement abandonnée et facilement accessible à tous. De même, des locataires qui cessent de payer leur loyer pendant des mois peuvent être considérés comme des squatteurs, mais ils sont très difficiles à déloger.
De même, si le logement squatté est une résidence principale, les démarches et les procédures disponibles ne sont pas les mêmes que lorsqu’il s’agit d’une résidence secondaire. S’il s’agit d’une résidence principale, du domicile de la victime donc, la loi permet une expulsion plus rapide et plus facile, car le préjudice est plus important.
Ce que change la nouvelle loi anti-squat : abolition du délai de flagrance
La loi Natacha Bouchard du 11 juin 2020, aussi appelée loi « anti-squat », vient apporter quelques légers changements à la situation. Actuellement, un propriétaire ne peut demander à la police d’expulser des squatteurs qu’à deux conditions : l’occupation des lieux doit dater de moins de 48 h et les squatteurs doivent être entrés par effraction.
Au-delà de 48 h, la police ne peut plus constater un flagrant délit. C’est ce que l’on appelle un délai de flagrance. Le propriétaire doit donc se tourner vers la justice pour entamer une procédure d’expulsion. Cela peut prendre parfois plus d’un an ! Dans le cas d’une résidence secondaire, ce délai est très fréquemment dépassé puisque le propriétaire n’est sur les lieux que quelques semaines par an.
La nouvelle loi « anti-squat » vient abolir ce délai. Désormais, quand des squatteurs sont entrés par effraction, le propriétaire peut demander au préfet de mettre en demeure l’occupant des lieux pour qu’il les quitte. Pour cela, il doit déposer plainte d’abord et fait constater à un officier de police judiciaire que le logement a été occupé en y entrant par effraction.
Pourquoi cette loi risque-t-elle d’être insuffisante ?
Cette nouvelle loi va permettre d’accélérer de nombreuses procédures et les victimes de squatteurs comme les avocats spécialisés s’en sont félicités. Cependant, il a également été précisé que cette loi était bien insuffisante pour donner aux propriétaires toutes les armes juridiques dont ils ont besoin pour protéger leur résidence secondaire et principale.
Effectivement, le plus gros problème repose dans le fait que seules les occupations impliquant une entrée par effraction sont concernées par cette nouvelle loi. Tous les propriétaires qui ne sont pas en mesure de prouver l’effraction ne pourront pas utiliser les procédures les plus rapides. Pour eux, rien ne change avec cette nouvelle loi.
La loi a donc été énormément critiquée. Notamment parce que l’effraction n’est pas toujours facile à prouver. D’ailleurs, son invisibilité ne résulte pas toujours d’une négligence de la part des propriétaires. Une vitre brisée peut facilement se remplacer, tout comme une porte défoncée peut être réparée. Les squatteurs les plus efficaces savent d’ailleurs qu’ils ne doivent laisser aucune trace d’effraction.
Résidence secondaire ou principale, qu’est-ce que cela change vraiment ?
Finalement, la seule vraie nouveauté de cette loi, c’est d’avoir placé la résidence secondaire dans la définition de domicile. Avant cela, les procédures différaient selon que le logement squatté fût une résidence principale ou une résidence secondaire.
Si la résidence principale était squattée, il était possible d’obtenir une expulsion rapide bien après le délai de 48 h. Il suffisait d’être en mesure de prouver à un officier de police judiciaire que le logement était votre domicile et que ceux qui l’occupaient refusaient de le quitter. Pour la résidence secondaire, les choses étaient plus compliquées.
Cependant, depuis le 11 juin 2020, il n’y a plus de nuance entre la résidence secondaire et la résidence principale dans la lutte contre l’occupation illégale. Le délai de 48 h n’a plus la même valeur comme nous venons de l’expliquer. Néanmoins, dans le cas d’une résidence secondaire, il est plus difficile de prouver que l’occupation est illégale puisqu’il est plus difficile de prouver que vous utilisez ce logement comme résidence secondaire et que vous ne le louez pas.
Peut-on expulser soi-même un squatteur ?
Face à la complexité de certaines situations, il arrive que des propriétaires excédés décident de rendre justice eux-mêmes et d’expulser les squatteurs. Au début de l’année 2018, un propriétaire de Garge-les-Gonesse a ainsi reçu de l’aide de la part d’autres habitants. Ils ont ainsi pu mettre en fuite les squatteurs qui occupaient un logement illégalement depuis plusieurs semaines.
Si beaucoup d’avocats et de juges spécialistes de la question appellent de leurs vœux une loi plus efficace, c’est aussi pour éviter ce genre de situation. Bien souvent, ces tentatives de déloger des squatteurs tournent mal et mènent parfois jusqu’au drame. Il est donc important de permettre à la justice d’intervenir avant que l’exaspération des propriétaires devienne dangereuse.
Expulser soi-même des squatteurs n’est donc pas recommandé, car vous pouvez vous mettre en danger. Pis encore, les squatteurs peuvent tout à fait porter plainte contre vous et obtenir gain de cause. Si aucune effraction n’est constatable et qu’ils occupent votre résidence secondaire, une expulsion manu militari pourrait vous mener au tribunal, mais sur le banc des accusés.
Les squatteurs ont-ils des droits ?
Certains propriétaires de logements squattés ont du mal à l’entendre, mais ceux qui occupent illégalement leur bien ont aussi des droits. Il n’est donc pas possible de réagir n’importe comment à une situation de ce genre. Mieux vaut garder son contrôle, car un dérapage pourrait coûter très cher au propriétaire si les squatteurs portaient plainte.
Si vous ne pouvez pas prouver l’entrée par effraction et que les squatteurs occupent les lieux sans les dégrader, vous aurez du mal à obtenir une expulsion rapide. Rappelons tout de même que cela vaut pour une résidence secondaire. Dans le cas de la résidence principale, il vous suffit de prouver que vous possédez les lieux et que vous y vivez. Vous êtes alors en droit de demander à la police de vous venir en aide pour déloger des visiteurs qui refusent de partir.
Dans le cas où vous ne pouvez pas prouver l’effraction, vous avez tout intérêt à respecter les droits des squatteurs. Les plus habiles d’entre eux prennent la peine d’ouvrir un compte chez un fournisseur d’électricité et de recevoir leur courrier chez vous pour pouvoir revendiquer leur droit à y vivre.
Ils vont même parfois jusqu’à vous proposer un peu d’argent, prétextant que c’est pour vous remercier de les avoir laissé rester et en vous promettant qu’ils vont partir. N’acceptez jamais cet argent ! Aux yeux de la loi, cela ferait d’eux vos locataires. Ils seraient alors indélogeables et vous ne pourriez plus vous en débarrasser.
La trêve hivernale concerne-t-elle les occupations illégales ?
La réponse à cette question n’est malheureusement pas si simple. La trêve hivernale ne concerne en réalité qu’une partie des occupations illégales. Des squatteurs qui pénètrent chez vous par effraction ou sans autorisation ne bénéficient pas de la protection de la trêve hivernale. Cette trêve ne concerne que les expulsions locatives.
Du coup, la trêve hivernale ne protège que les locataires. Il est impossible de forcer un locataire à quitter un logement entre le 1er novembre et le 31 mars. En 2020, cette trêve a même été exceptionnellement prolongée jusqu’au 10 juillet en raison de la pandémie de covid-19. Cependant, un locataire peut tout à faire devenir un squatteur.
Si votre locataire ne paye pas son loyer pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, vous avez le droit d’exiger son expulsion. L’occupation est alors illégale, il s’agit bien d’un squatteur, mais la trêve hivernale vous empêche de récupérer le logement pendant les cinq mois concernés. Cependant, les procédures sont si longues, que la trêve permet généralement de faire le nécessaire pour obtenir l’expulsion dès le début du mois d’avril.
Est-ce différent si la maison occupée est abandonnée ?
Les logements abandonnés sont les cibles préférées des squatteurs. Si une habitation est abandonnée depuis plus de 6 mois, alors les occupants sont encore plus difficiles à déloger. Un logement abandonné n’est pas seulement un logement dans lequel personne n’habite. C’est un logement où personne n’est domicilié, mais surtout un logement où aucun contrat avec un fournisseur d’eau, d’électricité et de gaz n’est en cours.
Si vous voyez autant d’immeubles et de maisons abandonnées qui bouchent toutes les ouvertures de portes et de fenêtres avec des parpaings, c’est bien pour éviter de se retrouver coincé avec des squatteurs indélogeables. Ils n’hésitent parfois pas à se rendre en mairie pour consulter le cadastre et en apprendre plus sur les conflits familiaux et les héritages difficiles afin de trouver des lieux abandonnés.
Pourquoi est-ce si difficile d’obtenir l’expulsion d’occupants illégaux dans un logement abandonné ? Toujours pour les mêmes raisons que nous évoquions un peu plus tôt. Il n’y a souvent pas besoin d’entrer par effraction et il est impossible de prouver à la police que le logement vous appartient. Même les juges ont souvent plus de clémence envers les occupants de lieux abandonnés, car ils considèrent que le mal est moins grand puisque les lieux ne servaient à personne.
Voilà pourquoi il est essentiel de barricader les logements laissés à l’abandon. En cas de conflit familial, il est essentiel de s’entendre au moins sur la nécessité de protéger les lieux de l’occupation illégale. Ainsi, quand le bien sera récupéré ou vendu, il pourra immédiatement mis à la disposition de son propriétaire sans passer par de très longues procédures d’expulsion.
Faire fuir les squatteurs : quelles sont les meilleures techniques ?
Ces longues explications font apparaître une évidence : il est mille fois préférable de se protéger des squatteurs, car les expulser est extrêmement difficile. Voilà pourquoi de plus en plus de résidences secondaires sont équipées de système de sécurité et d’alarme. En la matière, la domotique permet de prouver assez facilement l’effraction, car les images des caméras sont accessibles depuis n’importe quel smartphone.
Une fois que les squatteurs sont installés, ils deviennent plus difficiles à déloger. Il arrive aussi malheureusement qu’ils soient agressifs et violents. Sur certains forums, on peut lire des témoignages de particuliers qui ont fait appel à des « professionnels » pour expulser les squatteurs manu militari. Le problème, c’est qu’une telle démarche peut être très sévèrement punie par la loi. Elle est donc tout à fait déconseillée.
De même, vous pouvez résilier votre contrat d’eau et l’électricité pour que les squatteurs se trouvent démunis et quittent les lieux. Néanmoins, c’est un pari risqué, car ils peuvent aussi ouvrir un compte à leur nom pour ce logement et ainsi devenir encore plus difficiles à expulser pour vous après. Certains particuliers essayent d’obtenir une mise hors tension de leur logement en conservant leur contrat, mais la procédure est longue et les fournisseurs ne la proposent que très rarement.
Enfin, il existe également des organismes qui proposent leur aide pour expulser des squatteurs. Ils envoient sur place des professionnels qui discuteront simplement avec les squatteurs. Ils leur proposeront un logement légal et adapté à leurs besoins pour les convaincre. Théoriquement, l’idée est bonne, mais dans les faits, les retours d’expérience ne sont pas très bons et certains organismes de ce genre se sont avérés être des arnaques.
L’idéal reste donc de respecter la loi, d’entamer les procédures officielles et de garder son mal en patience. N’oubliez pas que votre résidence principale est davantage protégée et que vous ne pouvez pas vous retrouver mis à la rue par des squatteurs. Dans un sens, c’est le plus important.